Il y a actuellement    personnes connectées à Over-Blog dont    sur ce blog

Archives

Pages

Les Blogs Que Je Suis

2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 06:50

Lorsque le froid augmenta, il devint de plus en plus triste, non que par lui-même le froid fût réellement insupportable, mais il craignait de voir arriver des froids plus intenses qu'on lui avait prédits, et, tout en sautillant autour de la fontaine, sur le gazon où il ramassait des vers, il aurait volontiers laissé tomber une larme de son brillant œil noir, car il songeait qu'un jour viendrait peut-être où la terre serait si dure que les vers ne remonteraient plus à sa surface, et que son bec ne pourrait les atteindre.

Bref, si le petit rouge-gorge fût demeuré longtemps dans cette disposition d'esprit, le désir de s'endormir comme la tortue n'aurait certainement pas manqué de s'emparer de lui, et l'on n'eût plus entendu de chants, cette année-la, aux alentours de la maison de campagne.

Mais, s'ils sont quelquefois un peu hardis et impertinents, les rouges-gorges sont de courageux petits êtres, et, par une brillante matinée, notre ami eut la pensée d'aller consulter une vieille alouette qui fréquentait un bosquet éloigné. Il rencontra sur son chemin plusieurs de celles ci qui chantaient bien haut dans le ciel au-dessus des champs, de sorte qu'en arrivant prés du bosquet toutes ses inquiétudes s'effacèrent, et il se trouva de la plus belle humeur du monde. Et c'était fort heureux, car en approchant davantage il entendit la vieille alouette chanter d'une manière si plaintive que quiconque l'eût écoutée longtemps eût été pris du besoin de pleurer. Lorsqu'il la complimenta sur sa voix, elle parut peu sensible a ses louanges et lui confia que, bien qu'elle se crût obligée de chanter et de se montrer reconnaissante tant qu'un morceau de consolation lui restait, elle était loin d'être aussi heureuse qu'elle paraissait l'être, s'attendant chaque jour à mourir de faim.

- Car, disait-elle, lorsque la terre est couverte de neige, on ne peut guère espérer y trouver à manger un seul morceau de toute la journée.

- Mais je croyais qu'il y avait déjà plusieurs années que vous demeuriez ici, répondit le rouge-gorge, qui avait repris son enjouement et redevenait tout à fait raisonnable.

- Oui, sans doute, répondit l'alouette  avec un soupir.

- Cependant vous n'êtes pas morte de faim l'hiver dernier, remarqua le rouge-gorge.

- Il parait que non, dit l'alouette aussi gravement que possible et en soupirant de nouveau.

Les yeux du rouge-gorge pétillèrent de malice, car il avait un bon fond de gaieté, et il ne put s'empêcher de sourire en lui-même quand il entendit l'alouette convenir d'un ton solennel qu'elle était en vie.

- Vous n'êtes pas morte non plus l'hiver avant l'hiver dernier? demanda-t-il encore.

- Non, murmura l'alouette.

-Ni l'hiver avant celui-là? Continua l'impertinent rouge-gorge

- Mais non, certainement, puisque vous me voyez ici, répondit l'alouette avec impatience.

-Et bien, comment faisiez-vous lorsque la terre était couverte de neige et qu'il n'y avait pas de quoi manger?

- Je ne vous ai pas dit que pendant les hivers qui ont précédé celui-ci on manquât absolument de quoi manger, répondit l'alouette d'un ton de mauvaise humeur, car elle ne voulait pas être contrariée dans sa manière de penser. On trouvait bien toujours quelques petits brins de quelque chose, mais ce n'est pas une raison pour que cela arrive encore,  c'était un pur hasard.

 - Ah! ma vénérable amie, s'écria le rouge-gorge , pourquoi n'avez-vous pas confiance en la bonne chance qui vous a  favorisée déjà si souvent?

- Je ne suis pas sûre qu'elle vienne toujours à mon secours, murmura tristement l'alouette.

- Mais lorsque cette bonne chance vous amène une suite de jours pleins de miséricorde, pourquoi les assombrir tous par vos craintes pour l'avenir?

- Je pense que c'est une faiblesse, répondit l'alouette. J'aviserai à ce que je dois faire pour me trouver plus satisfaite à l'avenir. Vous êtes bien sage, petit oiseau, et votre sagesse vous rendra heureux pendant l'année tout entière.

Et l'alouette s'envola en décrivant plusieurs cercles et chantant vigoureusement. Il y avait bien encore un peu de mélancolie dans sa voix, mais cela pouvait tenir qu’à un reste d'habitude, car le chant était réellement plus franc et plus clair.

-Voila qui est mieux déjà, s'écria le rouge-gorge. Quant à moi, si jamais je me sens disposé à la tristesse, je  songerai à tout ce que vous venez de me raconter des hivers précédents, pendant lesquels vous rencontriez toujours quelque petite chose pour vous nourrir. Comme c'est consolant !

 - Et dire que j'ai contribué à consoler quelqu'un! dit l'alouette. Je dois donc essayer de me consoler moi-même.

- Oui, assurément! s'écria le rouge-gorge. A quoi bon donner des avis que vous ne suivriez pas vous même?

En disant ces mots, le rouge-gorge chanta un joyeux adieu, et retourna dans le jardin, où il avait trouvé pour passer l'hiver une demeure tout à fait confortable dans le creux du mur couvert de lierre.

Partager cet article
Repost0

commentaires

G
<br /> Chouette! vivement la suite....<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> Bonjour et Merci pour l'appréciation, mais ....<br /> Attendez la fin car il y a sept épisodes!<br /> Sachez que j'ai pris beaucoup de plaisirs aussi lors de son écriture.<br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> Quel joli conte, la morale vaut le style: on dirait un chant d'alouette. Elle grisole, tire-lire ou turlute.<br /> <br /> <br />
Répondre